RESUMEUne star vit seule chez elle, son mari est à Hollywood et la délaisse. Débarque chez elle un photographe qui doit la prendre en photo pour un journal, faire un reportage sur elle.
Ils deviennent amants. Ils vont habiter deux semaines à l'hôtel pour faire ce reportage et repassent de temps en temps à l'appartement de la star...
FICHE TECHNIQUERéalisateur : Philippe Garrel
Scénario : Marc Cholodenko, Arlette Langmann
Directeur de la photographie : Willy Lubtchansky
Producteur : Edouard Weil
Exportation/Distribution internationale : Films Distribution, France
Production : Rectangle Productions, France / StudioUrania, Italie
Distribution : Les Films du Losange, France
Genre : Drame
Durée : 1h 45min
Budget : 400 000€
Sortie : 4 juin 2008
DISTRIBUTIONLouis Garrel (François)
Laura Smet (Carole)
Clementine Poidatz (Eve)
Emmanuel Broche (Jean-Jacques)
Olivier Massart (Le père d'Eve)
Juliette Delègue (Nathalie)
AUTOUR DU FILMSi l'on excepte une apparition du tout petit Louis Garrel dans le film de son père Philippe de 1989 Les Baisers de secours, La Frontière l'aube est leur second film en tandem. Leur premier film ensemble est le très salué par les critiques Les Amants réguliers, évocation sensible de Mai 68.
CRITIQUES"surgi des sources du romantisme, un mélo surnaturel signé Garrel.
Le nouveau film de Philippe Garrel semble à la fois contenir, à lui seul, toute l'oeuvre de son auteur, et être porté par une inspiration inédite vers des hauteurs insoupçonnées jusque-là. Le noir et blanc, l'approche du visage humain illuminé par la lumière que laisse passer une fenêtre, la peinture de sentiments dénudés, à vif, l'insondable et le cru, tout se retrouve concentré ici, revisité, comme si le cinéaste avait voulu faire un bilan de son art.
De plus, la dimension fantastique est abordée de front, naïvement. Inspiré de Spirite, une nouvelle de Théophile Gautier, La Frontière de l'aube est un film de fantômes, un hommage au romantisme littéraire et à sa dérivation symboliste dont Garrel serait l'unique équivalent cinématographique. Quelque chose qui s'opposerait à cet esprit des temps qui s'est manifesté sous la forme de ricanements sceptiques lors des projections du film en compétition officielle au Festival de Cannes.
François, un photographe, doit réaliser une série de portraits de Carole, une vedette de cinéma. Les deux jeunes gens ne tardent pas à devenir amants. La première partie du film est le récit de cette rencontre, avec cette manière unique, incandescente, de capter la cristallisation du sentiment amoureux à travers les visages et les corps. Garrel est comme son personnage, artiste scrutant le visage de son modèle et se brûlant les ailes à son approche. Une catastrophe annoncée prend place progressivement dans l'apparente insignifiance de moments et d'endroits sans qualités, ces rues de Paris, ces appartements haussmanniens où se révélera l'insoupçonnable ravage des émotions.
La liaison de François et Carole a la fragilité des amours contrariées par les circonstances. Elle est mariée, et lui n'est pas sûr d'accepter vraiment cette situation. Après un moment vaudevillesque, le lien se défait insensiblement. La jeune femme (intense Laura Smet), seule, se détruit.
L'IDIOTIE DU TEMPS
Le photographe a-t-il, en fuyant, sauvé sa peau et sa raison ? A-t-il échappé aux griffes d'une passion trop intense ? Il a bien le loisir, en tout cas, de réfléchir aux caractéristiques de l'amour. Puis il y a la rencontre avec une autre femme, Eve, qui tombe enceinte de lui, les projets de mariage. Mais Carole refait son apparition sous la forme d'un spectre. Ce qui adviendra sera le résultat d'une fatalité que les fondus au noir séparant les séquences annoncent, à partir d'un certain moment, inéluctable.
"Le bonheur bourgeois, ça fout les jetons", dit à celui-ci un ami du photographe. Mais ce que l'on appelle le bonheur bourgeois, ici le mariage et la paternité, ne désigne pas seulement, dans cette histoire, la perspective d'un avenir trop circonscrit, sans hasard ; c'est aussi la concrétisation d'un autre amour, la matérialisation d'un nouveau lien, celui qui prouve que l'on est guéri du précédent.
Le fantôme qui surgit ainsi, par la grâce de trucages à l'archaïsme admirable, est ainsi le rappel d'une vérité insoutenable parce qu'elle rend dérisoire un élan que l'on a cru dénué de toutes compromissions et un sentiment que l'on a pensé éternel et intangible. La nécessité de l'oubli est aussi un désastre, et la quête de l'absolu se heurte à l'idiotie du temps. C'est très exactement de cela que parle le film de Philippe Garrel.
La pureté du cinéma de Garrel, sa naïveté perverse, non dénuée de cet humour qui surgit lorsque les humains opposent leurs pauvres mots à la puissance immatérielle des sentiments, confèrent à son nouveau film l'allure d'une oeuvre primitive, d'un mélo surnaturel venu du muet, la simplicité de la poésie."
Jean-François Rauger -
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