RESUME
Dans le quartier de Little Tokyo a Los Angeles, deux inspecteurs, un Americain et un Japonais, enquetent sur la mort d'une strip-teaseuse.

Sugar Torch, une strip-teaseuse, vient d'être assassinée dans un cabaret de "Little Tokyo" à Los Angeles. Les inspecteurs Charlie Bancroft et Joe Kojaku prennent l'affaire en main. Liés par une solide amitié depuis que Joe a sauvé la vie de Charlie durant la guerre de Corée en lui donnant son sang, les deux hommes partagent le même appartement. Leurs investigations les conduisent à rencontrer MacAllister, qui a peint un tableau représentant Sugar revêtue d'un kimono, puis la séduisante Christine Downes, dont ils tombent tous deux amoureux. Mais Christine se sent irrésistiblement attirée par Joe, d'origine japonaise, qui s'est montré beaucoup plus discret que son confrère dans l'expression de ses sentiments. La jeune femme exécute le portrait-robot d'un suspect, un certain Paul Sand, qu'elle avait vu en compagnie de Sugar et avec qui la strip-teaseuse préparait un nouveau numéro. Les deux policiers poursuivent leur enquête mais leur rivalité ne cesse d'augmenter. À tel point que, lors d'une rencontre de kendo, Joe agresse violemment Charlie et enfreint les règles très strictes du combat. Joe a fini par considérer comme raciste l'attitude de son ami à son égard. Grâce au témoignage de Christine, les deux inspecteurs parviennent à localiser Paul Sand, de son vrai nom Hansel, et découvrent par la même occasion l'assassin de Sugar : Roma Wilson, la maîtresse d'Hansel qui avait tué la strip-teaseuse parce qu'elle en croyait son amant amoureux. Abattue alors qu'elle tentait de fuir, Roma expire dans les bras de Joe, qui comprend qu'il s'est mépris sur la conduite de Charlie, dont l'agressivité n'était que l'expression de sa jalousie. Il épousera Christine.

FICHE TECHNIQUE
Réalisation, scénario et production : Samuel FULLER (1959)
Directeur de la photographie : Sam LEAVITT
Montage : Jerome THOMS
Musique : Harry SUKMAN
Distribution : Columbia
Durée : 82 minutes
Genre : Mystère/Thriller
Sortie USA : octobre 1959

DISTRIBUTION
Victoria SHAW (Christine Downes)
Glenn CORBETT (L'inspecteur Charlie Bancroft)
James SHIGETA (L'inspecteur Joe Kojaku)
Anna LEE (MacAllister)
Paul DUBOV (Casale)
Jaclynne GREENE (Roma Wilson)
Neyle MORROW (Paul Sand / Hansel)
Gloria PALL (Sugar Torch)
Barbara HAYDEN (La mère)
George YOSHINAGA (Willy Hidaka)
Robert OKAZAKI (Yoshinaga)
FUJI (Shuto)

AUTOUR DU FILM

- L'intrigue policière de THE CRIMSON KIMONO n'est qu'un prétexte. Samuel Fuller voulait avant tout décrire la rivalité amoureuse entre un Blanc et un Asiatique : "Ça m'excitait de montrer que les Blancs ne sont pas seuls à être racistes. Ce Japonais est raciste. Il dit au Blanc : "Tu es en colère contre moi, mais si j'étais blanc et que j'avais pris ta fille..." Le Blanc lui répond qu'il haïrait n'importe quel type qui lui prendrait sa fille. Le Blanc est honnête. Ça lui était vraiment égal que son rival soit à moitié japonais. C'est la seule fois où je me suis un peu mis dans un personnage. " (in "Il était une fois... Samuel Fuller", entretiens avec Jean Narboni et Noël Simsolo, Cahiers du Cinéma, 1986). En outre, Fuller se passionna à tourner dans la communauté "Nisei" de Los Angeles, que personne n'avait jamais eu l'idée de filmer.

- Engagé pour tenir le rôle de l'inspecteur américano-japonais, le chanteur d'origine hawaïenne Jimmy Shigeta (né en 1933) fut durant trois ans la star d'un gros succès de Broadway, "The Flower Drum Song"; THE CRIMSON KIMONO fut son premier rôle au cinéma; depuis, il est apparu dans une douzaine de films.
Glenn Corbett (1929-1993) tourna une seconde fois avec Samuel Fuller dans UN PIGEON MORT DANS BEETHOVENSTRASSE (1972).
D'origine australienne, Victoria Shaw (1935-1988) avait été remarquée par Fuller dans TU SERAS UN HOMME MON FILS (The Eddy Duchin Story, 1956) de George Sidney avec Tyrone Power et Kim Novak. L'année suivante, elle devait être la vedette aux côtés de Curd Jurgens de L'HOMME DES FUSÉES SECRÈTES (I Aim at the Stars, 1960) de J. Lee Thompson, biographie romancée de Werner von Braun.

- Sam Fuller sur le film :
"Je suis très fier de la morale de ce film. Dans dix ans, les gens comprendront que j'ai raison. Il n'y a aucune différence entre les races. Mon héroine épouse un Japonais. On voulait à tout prix que je noircisse le personnage du Blanc pour qu'on comprenne qu'elle préfère le Japonais, mais j'ai refusé."


CRITIQUES

Mon avis

The Crimson Kimono (1959) de Samuel Fuller démarre comme un " buddy movie " très classique (ces tandems de flics virils, comme Hollywood en produira plus tard des centaines sur le modèle de l'Arme fatale) pour se muer en un rapport concurrentiel entre le flic américain Charlie Bancroft, épais, et le flic japonais Joe Kojaku , plus réfléchi, poétique et sensible. Ce dernier finira d'ailleurs pas gagner le cœur de la jolie héroïne que le tandem se disputait. L'originalité du film est qu'il dévie assez rapidement d'une intrigue policière classique avec deux détectives policiers à la recherche du meurtrier d'une strip-teaseuse pour exploiter finement l'opposition amoureuse de deux flics aimant la même femme, une jeune peintre. Cette opposition est relevée de soupçons de racisme de l'américano-japonais Joe vis à vis de son pote Charlie, alors qu'il n'y a que de la jalousie de la part de ce dernier, pas spécialement ravi de se voir chiper celle qu'il aime par son meilleur ami. La manière dont il se rendra compte de son aveuglement est amenée de façon remarquable vers la toute fin du film, avec les aveux de la meurtrière, qui s'était fait à tort des idées sur la pseudo-infidélité de son mari. Joe voyait ce qu'il avait envie de voir chez son pote Charles, et c'est son racisme à lui qui affleurait là, sans qu'il s'en rende bien compte.
On retrouve le style de Fuller inimitable dans les très bons dialogues, l'ouverture du film toujours percutante (ici la fuite de la strip-teaseuse de sa loge dans les rues de LA où elle sera abattue froidement) et les subits gros plans sur les visages mais les effets de mise en scène sont ici plus discrets et s'effacent au profit une fois de plus d'une histoire complexe et intelligente, bien racontée et bien interprétée. Ce film a la mérite de raconter en 1959 une relation interraciale, très rarement pour ne pas dire pas traitée dans le cinéma de l'époque.
Fuller n'aura eu de cesse dans ses films de lutter contre le racisme et de montrer les fléaux qu'il peut engendrer dans des vies apparemment bien réglées, et ruiner même des amitiés fortes.
Il faudrait aussi noter dans ce film, comme dans pratiquement tous les autres de son auteur, le goût prononcé pour les cigares, il n' est pas rare de voir un des personnages fumer avec gourmandise un cigare. Ici cela nous vaut une réplique savoureuse prononcée par MacAllister, la femme peintre alcoolo amie de nos deux héros, entrain de fumer un énorme cigare : 'Fumer une cigarette c'est comme boire de la bière dans un dé".

Autres critiques

"Sam Fuller s'intéresse autant à l'intrigue qu'au personnage. Une profonde amitié unit les deux héros, jusqu'au jour où apparaît Christine, dont ils vont s'éprendre tous les deux. La jalousie, l'envie et le mépris racial succèdent alors peu à peu à l'amitié et la fraternité quotidienne."
André Moreau - Télérama.

"Comment un homme devient peu à peu aveugle sur lui-même, sur son meilleur ami, jusqu'à voir s'infiltrer partout un racisme qui existe principalement dans sa tête. Ce film est un éloge de l'amitié et un plaidoyer en faveur du rapprochement, de la fraternité entre des représentants de cultures différentes. L'amour est difficile entre un Jaune et une Blanche, surtout si celui-là croit voler ses espoirs à son meilleur ami, qu'il crédite d'une animosité qui n'existe que dans sa tête. Des critiques de l'époque ont comparé ce film à Hiroshima mon amour, mais le parallèle est un peu vain; si le thème est voisin, ni l'intrigue, ni l'action, ni la narration et la réalisation ne peuvent être utilement rapprochées de celles de l'oeuvre de Fuller."
Olivier Amiel in "Fuller - Ed. Henri Veyrier"

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